En soi, et c’est scientifiquement prouvé, le froid ne trouve aucune réalité mesurable, il ne peut se comprendre qu’en l’absence de chaleur. Il en va de même pour le noir, absence de couleur, ou l’obscurité, absence de lumière. Cette vue de l’esprit, attestée par nos célèbres physiciens, a de quoi calmer l’emballement et taire toute révolte latente si le principe est élargi à la morale ou à la théologie : la connerie n’existe pas, ni le mal. Dés lors, nous adoptons un flegme, une sagesse, un calme à toute épreuve. Plus n’est l’énormité, ni l’offense qui déclenche les passions. Les tabous ne nous réfrènent plus. Pourvus d’une haute indifférence, nous sommes bien là, à la fraîche. Et nous nous adonnons à de saines pratiques, tout à fait librement, sans éprouver la répugnance induite par nos pairs contre telle dérive alimentaire, sexuelle ou criminelle.
Eucharistie Gastronomique
Notons que l’absence d’intelligence existe en ce bas monde, et de façon caricaturale. De même, à quelques exceptions près, la capacité d’agir autrement que dans le sens du bien est requise lorsque l’humain exerce une fonction éminente. Le flegme qui est le nôtre nous autorise à œuvrer dans un sens inverse : celui de la sainteté, oui, notre vocation. Si l’ennemi est coriace, pour en venir à bout, il ne subsiste qu’une alternative : hisser notre sauvagerie au summum du raffinement, de manière à convoiter avec appétit un abdomen prépondérant, délicatement persillé. Par temps de disette et de surpeuplement, accommodons la viande des régents avec art et considération, avant de la servir en collation aux nécessiteux. Le bien public est aboli par la canaille si bien que la populace déguste. Soit, puisque nous nous targuons d’être au pays de la bonne chère, citoyens français, nous qui communions par de vifs transports culinaires, dégustons jusqu’au bout des venaisons bien nourries au nom de l’équité. L’individualisme délite notre cité contrairement au cannibalisme, élément d’une cohérence sociale particulière ne reniant pas notre plaisir.
Le Peuple manque de Pain, mangeons de la Brioche
Les pauvres sont forts laids, gras et fatigués. Ils se ravitaillent en alimentation synthétique dans des grandes surfaces discount. Les pauvres ont juste les moyens de mal se sustenter. Ils consomment des produits infâmes, issus des terroirs galvaudés d’industries agro-alimentaires peu regardantes. La peoplerie, elle, goûte journellement des mets subtils concoctés par de grands chefs.
Comme les nantis sont beaux ! Comme leurs graisses fleurent bon ! Doux fumets, promesses de délectations et d’ivresses…
Rousseau, loin d’être déficient, l’écrivit amplement : l’homme est naturellement bon. C’est vrai. Le nuisible outrageux, vieux dévoyé et à la testostérone suintante, sera dégorgé, paré, châtré, et bâfré en rognons blancs. Ne boudons pas l’enchantement, repaissons-nous de bourses plantureuses, mitonnées à l’estouffade. Bien monté, celui-là même qui déclara : à quoi bon s’acheter un journal quand on peut se payer un journaliste, et qui fut renfloué à millions par le contribuable défroqué, bouffons-les-lui à merveille ! La pléthore des chapardeurs du caca-rentes, des représentants dévergondés des chambres de la République et des suppôts de la sous-culture forment une provision d’yeux à mettre en bocaux, à tremper en court-bouillon et à gober. Energétiques, aphrodisiaques, après un excès de jarrets Bachelot cloutés de cornichons malossols (ne vous bousculez pas, il y en aura pour tout le monde), l’absorption des mirettes de possédants tend à atténuer les somnolences postprandiales et à éliminer les flatulences.
Les Inconsommables
Les chairs comestibles ne sont pas toujours mangeables, il convient d’échapper à la dysenterie sinon mortelle au moins psychologique. Quant à cette femme malingreuse aux rênes de l’économie, ballet à chiotte surmonté de filasses gris-sel, sa carne comme ses abats calent à peine les joues d’un caniche. Voici venir un porte-voix fripon, mariné dans son fiel. Sans vergogne, attendrissez le filet, en le battant à mort, puis livrez sa carcasse aux insectes nécrophages. Voyez-le, ce cabot sépulcral, il périclite sans honneur ! Et lui, l’appétissant ministre aux tempes molles comme la gelée, qu’il soit préalablement goûté par une sorte de braillarde débile en charge de la famille. Si elle ne succombe pas à la perfidie, dévorez-le, éclatez-vous la panse tandis que vous pendrez la braillarde par les pieds, immangeable donc inutile.
Aime ton prochain, avec de la sauce
Cela va sans dire, il est hors de question d’absorber un corps inanimé, cru ou cuit, sans l’avoir préalablement sublimé par de savantes préparations destinées à exciter notre salivation gourmande. Grâce au geste du cuisinier, la transmutation de nourriture potentielle en pitance raffinée, outre qu’elle nous fait accomplir un acte de subsistance nécessaire, magnifie les qualités gustatives de nos contemporains corrompus, eux qui, pourtant, étaient condamnés à la fosse commune dés la prochaine insurrection. Que les réticents comprennent bien, le cannibalisme de vengeance, consommation de la chair des nuisibles, reste avant tout un acte hautement spirituel car il offre aux victimes de trouver le salut et, à nous, anthropophages, de nous fortifier, de communier autour de valeurs républicaines repansées, bientôt retrouvées.
Paris, janvier 2010
Docteur Verdier Jacob - Landry Rouland